La chaîne critique

La chaîne critique a été développée par E.Goldratt à la fin des années 90, en application de la théorie des contraintes à la gestion de projet. Cette méthode s’applique au planning, donc à la maîtrise des délais, mais peut tout à fait se transposer à la maîtrise des coûts.

La chaîne critique repose sur plusieurs mécanismes ou croyances.

Tout d’abord, nous avons tendance à penser que la seule façon de protéger la date de fin du projet est de protéger la date de fin de chacune des tâches (en particulier les tâches du chemin critique).

Ainsi, nous avons naturellement tendance à protéger chacune des tâches par la création de marges de sécurité. Ces marges proviennent de trois mécanismes:

  • les estimations de durées des tâches reposent sur des expériences négatives, et donc ont une probabilité d’occurence de plus de 90% de chance d’être tenues
  • plus il y a de niveaux de management concernés, plus l’estimation est élevée car chacun ajoute sa propre marge de sécurité
  • chacun sur-estime, en anticipation d’une diminution autoritaire de la part de la direction

Or, ces marges subissent trois mécanismes de gaspillage:

  • le « syndrome de l’étudiant« : il n’y a pas de panique, donc on a tendance à commencer au plus tard
  • le multi-tâche. Un schéma est plus parlant que du texte; comparez les durées totales des trois tâches A, B et C:

  • les retards s’accumulent, pas les avances: tout retard sur une tâche critique se répercute intégralement sur la date de fin du projet, alors qu’une avance est généralement perdue, car: les contributeurs des tâches suivantes sont rarement prêts, les contributeurs en avance trouvent toujours de quoi s’occuper pour peaufiner, si on finit plus tôt  cette nouvelle durée deviendra notre objectif la fois suivante.

Ainsi donc, toutes ces marge sont non seulement inutiles, mais encore dangereuses pour le projet.

Au lieu de protéger la date de fin de chacune des tâches, nous devrions nous focaliser sur la protection de la date de fin du projet, ce qui se fait par l’ajout d’un tampon en fin de projet.

En pratique, il faut:

  1. Construire le planning
  2. Identifier les tâches réalisées par les mêmes ressources et s’assurer qu’elles ne sont pas en parallèle; le cas échéant les séquencer. Le chemin critique est alors appelé chaîne critique (car prenant en compte les tâches critiques et les ressources critiques)
  3. Diviser par 2 les estimations de durée des tâches; la durée du projet est alors réduite
  4. Ajouter en fin de projet (au bout de la chaîne critique) une marge (ou tampon) égale à la moitié de la réduction de délai du projet

L’usage de cette méthode nécessite un état d’esprit différent, qui inclut:

  • Le droit à l’erreur: il est normal que certaines tâches soient réalisées en plus de temps que nécessaire
  • Une ré-évaluation permanente des dates de fin des tâches, afin d’anticiper les dates de démarrage des tâches suivantes
  • Rappeler régulièrement aux différents intervenants quand leurs contributions doivent démarrer: « ça commence dans 2 semaines » … « dans 1 semaine » … « dans 2 jours »
  • La fin des jalons: l’objectif n’est plus de terminer une tâche en 3 semaines, et donc de procrastiner si elle est terminée plus tôt, mais bien le plus vite possible
  • Une mesure de la consommation du tampon de projet (ou de la marge en délai)

Les bénéfices de cette démarche sont multiples:

  • Diminution du multi-tâche: les gens sont moins dispersés
  • Réduction des fausses alarmes (« on est en retard! »), baisse de la pression
  • Equipe persuadée qu’elle finira à l’heure
  • Plus de « syndrome de l’étudiant »: les gens essaient de finir au plus vite, et comprennent que le chef de projet viennent poser des questions sur l’avancement et les dates de fin réajustées